LA PREMIERE FÊTE DES MENHIR

La première fête des menhirs eut lieu les 22 et 23 août 1908. Elle fut organisée au profit des pauvres de la commune par le comité des fêtes de Carnac émanation du comité républicain très proche de la municipalité et par le stade carnacois récemment créé.

Le pardon des menhirs

A l’origine, la fête des menhirs s’appelait le pardon des menhirs. Dans l’esprit des organisateurs il s’agissait de faire le pendant laïque du pardon de Saint-Cornély qui avait lieu chaque année au mois de septembre à l’initiative des autorités religieuses.

Evidemment le programme ne comportait aucune manifestation religieuse mais était néanmoins très chargé et très varié. Les réjouissances classiques, illuminations, feux de joie, retraites aux flambeaux, feux d’artifice, batailles de confettis étaient agrémentées de musique, de danse et d’activités sportives.

Les critiques de la presse

Un journaliste, Mathieu Salé, était venu d’Auray à bicyclette pour assister à l’événement. Dans ses articles, parus dans le journal  L’Arvor (journal catholique, politique, maritime et agricole) il rend compte du déroulement de cette fête tout en se déclarant « zacariphile désabusé »

Arrivé dès 6h du matin, il déplore que les clairons des pompiers de Vannes annoncés aient été remplacés par quelques basses et trombones des cafés-concerts de Lorient. De même, il se plaint que «  les chars fleuris inscrits au programme furent présentés par Zacharie  à nos yeux croyants,  sous les apparences de menhir  et de dolmen en cercle de barrique recouverts de papier gris, et dans lesquels, le vent qui faisait rage sur la place fit une irrévérencieuse trouée.. ». Il raille la petitesse du feu de joie allumé sur le Mont Saint-Michel qu’il compare aux luxueux feux de joie des prêtres qui atteignaient 5 ou 6 m de haut comme de large. Mais ce qui attisait le plus sa curiosité était le « sacrifice druidique » prévu au programme. Il soupçonnait un certain Clezio, intérimaire du greffier de Quiberon et sacré druide d’avoir mis en scène de tels rites sacrificiels. Hélas pour lui, cet événement tant attendu fut escamoté même si le druide Clezio « revêtu d’un toge blanche et une feuille d’or à la main » fit une apparition.

LA réponse de zacharie le rouzic

La réponse de Zacharie Le Rouzic paraîtra dans l’édition «  L’Arvor » du 4 septembre 1908. Elle sera introduite  par une note du rédacteur qui  dit « qu’il va insérer la lettre de Zacharie Le Rouzic du « Museum » car elle est typique et elle peut fournir une bonne suite à la correspondance de Mathieu Salé… et aussi pour faire connaître au Conservateur du Musée James Miln, toute la bonté de notre âme cléricale qu’il ne semble pas juger comme il convient…Aucune loi sur la Presse, qu’il le sache! ne nous oblige à insérer son épître … »

Voici ce qu’écrit Zacharie Le Rouzic, « en réponse aux longues lettres que vous consacrez à notre premier pardon laïque des menhirs,et dans lesquelles vous me faites le grand honneur de me nommer, je vous prie, et au besoin je vous requiers d’insérer…la présente lettre.

                Je ne m’arrêterai pas aux insinuations malveillantes de votre correspondant, la boue salit, mais je vous dirai que le succès de notre fête a dépassé tout ce que nous avions rêvé. Au dire même des réactionnaires, jamais Carnac n’avait vu tant de monde en un seul Jour, jamais le commerce local n’avait fait pareille recette et pourtant jamais fête ne fut plus calme. C’est ce que nous désirions. Ce succès nous le devons à notre si intelligent curé qui par ses écrits et ses sermons nous a fait une réclame gratuite ? Je l’en remercie ( !)

Je tiens par exemple à protester avec la dernière énergie contre l’idée grotesque de l’immolation d’un mannequin ou d’un cochon, dont il n’a jamais été question au sein du comité des fêtes. Cette idée n’a pu germer que dans la cervelle, malade, de votre correspondant bien connu à Carnac, je la lui laisse pour compte. Il en est de même de l’immolation sur un dolmen. Je crois avoir le droit de dire que j’ai moi-même contribué largement  depuis vingt ans à détruire cette légende ainsi que celle des soldats transformés en pierre par St Cornély. Pendant 15 siècles le clergé local a vécu de ces légendes comme il vit actuellement de celle de St Cornély et de ses bœufs, … et nous n’aurions pas, nous, le droit de faire un pardon laïc dans ces monuments au profit des pauvres de la commune ? C’est trop fort !

                Malgré tout, la journée du 23 août ( 1908) a été bonne pour le commerce et les pauvres de Carnac. Soyez assuré, Monsieur le Rédacteur que nous recommencerons l’année prochaine.

En attendant veuillez…

                                                                                              Le Rouzic Zacharie

L’édition 1909 sera annoncée pour le dimanche 25 juillet.